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Les enfants non vaccinés revenant de l’étranger, y compris les tout-petits, ont toujours interdiction de fréquenter leur école ou garderie durant 14 jours.  Un casse-tête pour les parents, à l’approche de la semaine de relâche, qui déplorent une « incohérence ».

À l’instar de nombreuses familles canadiennes, Marie Clémence se retrouve une nouvelle fois face à un sérieux dilemme pandémique.

J’aimerais rentrer voir mes parents malades, indique cette mère de famille montréalaise, d’origine française. Mais j’ai beau être vaccinée trois fois, je ne peux pas partir sans mon bébé!

« S’il faut poser 3 semaines de vacances pour pouvoir partir 1 semaine, c’est irréalisable. »

— Une citation de  Marie Clémence

 

Depuis l’été passé, le gouvernement Trudeau a imposé une règle stricte. Les enfants non adéquatement vaccinés, y compris les moins de 5 ans n’ayant pas accès aux vaccins, n’ont pas le droit de fréquenter leur école, leur garderie ou un camp de jour durant les 14 jours suivant leur retour au pays. Leurs parents doivent donc les garder durant cette période, tout en jonglant avec la reprise de leur emploi.

Des mois plus tard, même si le pic de la 5e vague a été franchi, selon la santé publique fédérale, cette mesure n’a jamais été modifiée. Et à l’approche de la semaine de relâche, Ottawa ne compte pas alléger cette restriction. Il n’y a aucune discussion en ce sens, nous a-t-on confié au sein du cabinet du ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos.

Ces mesures frontalières ont été efficaces pour aider à protéger la santé et la sécurité des Canadiens, tout en continuant à permettre aux travailleurs essentiels d’entrer au pays, mentionne de son côté un porte-parole de l’Agence de la santé publique du Canada.

« Le gouvernement du Canada continue d’évaluer l’évolution de la situation au pays et à l’étranger, de surveiller les données sur les cas et modifiera les mesures frontalières, au besoin, pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. »

— Une citation de  Agence de la santé publique du Canada

Des tests toujours obligatoires à l’arrivée

Outre ces mesures visant les enfants, Ottawa a également rendu obligatoire, dès décembre dernier, un test PCR à l’arrivée au Canada des voyageurs internationaux, qui doivent déjà présenter un tel test, négatif, avant d’embarquer. À la mi-janvier, l’équipe du ministre Duclos avait envisagé de mettre fin à cette disposition, très coûteuse pour les finances publiques. Le gouvernement, selon nos informations, a finalement décidé d’être patient et d’attendre une baisse du taux de positivité. Ce taux a grimpé à plus de 8 % pour les voyageurs pleinement vaccinés au début du mois de janvier. Selon des données fédérales partielles, il a légèrement baissé entre le 9 et le 15 janvier (7,23 %).

Une injustice, clament des parents

Cette restriction vise directement les familles canadiennes et non les voyageurs internationaux, qui ne fréquentent aucun établissement scolaire ou service de garde lors de leur séjour. Un enfant non vacciné peut, par exemple, visiter des endroits publics ou des musées, fréquenter des parcs, des plages et accompagner ses parents à l’épicerie.

Pour de nombreux parents, qui ont écrit à Radio-Canada, cette disposition fédérale est vécue comme une injustice. Ils déplorent une incohérence avec les règles sanitaires mises en place par différentes provinces, comme le Québec, qui ont récemment grandement allégé leurs protocoles.

Si mon enfant a la COVID, je dois le garder à la maison 5 jours du moment qu’il n’a plus de fièvre, puis un test négatif. Mais s’il revient de l’étranger et n’a pas la COVID, je dois le garder 14 jours à la maison. Ça n’a aucun sens, résume Pierre Cléaud, un père de famille montréalais.

« C’est une façon détournée de dissuader les voyages. Si le gouvernement ne veut pas que nous voyagions, qu’il l’assume et interdise les séjours à l’étranger. »

— Une citation de  Pierre Cléaud

 

Linda Leroy vit quant à elle difficilement cette règle sanitaire. Notre garderie nous a informés qu’elle ne ferme plus [les groupes lorsqu’il y a des cas positifs], mais on doit tout de même respecter ce 14 jours après un voyage, répète-t-elle, interloquée.

Ces règles ont clairement un impact pour nous, ajoute cette Française, installée au Québec depuis 5 ans. J’ai accouché au début de la pandémie, en juin 2020, et mes parents n’ont pas pu venir à cause de la fermeture des frontières. On se sent déjà bien seuls en tant que jeunes parents en temps de pandémie et je ne peux même pas projeter un voyage. Mon fils ne peut malheureusement pas être vacciné car il est trop jeune, sinon je n’hésiterais pas.

Exemple fictif avec Julie et Marc-André

  • Julie, 4 ans, rentre de l’étranger avec ses parents adéquatement vaccinés. Elle doit rester à la maison durant 14 jours avant de retourner voir ses amis.
  • Durant l’absence de Julie, une éclosion touche la garderie. Même s’il a été en contact avec un cas positif, Marc-André, asymptomatique, peut rester au service de garde. Les autres enfants, positifs, doivent quant à eux s’isoler 5 jours. S’ils obtiennent ensuite un test négatif, ils peuvent retourner dans l’installation.

Québec ne peut atténuer une règle fédérale

Au cours des dernières semaines, face à la forte transmission du variant Omicron au Canada, de nombreux experts ont élevé la voix, réclamant plus de souplesse à la frontière.

Après trois ou quatre jours à la maison et un test négatif, les enfants de retour de l’étranger devraient pouvoir retourner à la garderie, avait par exemple indiqué à Radio-Canada Mona Nemer, la conseillère scientifique en chef de Justin Trudeau.

Le Conseil national des lignes aériennes (CNLA) décrie également, vivement, cette quarantaine familiale, qui touche des familles qui ont suivi les directives, se sont fait vacciner, ont observé les précautions et ont fait des sacrifices au cours des deux dernières années.

« L’exigence de quarantaine au retour pour les enfants est une mesure injustement restrictive qui décourage et pénalise les familles et qui ne reflète plus les directives des autorités de santé publique, alors que la période d’isolement a été réduite à cinq jours dans plusieurs provinces. »

— Une citation de  Suzanne Acton-Gervais, présidente par intérim du CNLA

 

Le Canada reste l’un des seuls pays à imposer la quarantaine familiale, même pour les parents et tuteurs entièrement vaccinés qui voyagent avec de jeunes enfants non encore éligibles au vaccin, soutient Suzanne Acton-Gervais, présidente par intérim de cette association réunissant des transporteurs aériens.

Plusieurs pays comme la France, l’Autriche et les Pays-Bas permettent aux enfants voyageant avec leurs parents vaccinés de bénéficier du même traitement, reprend-elle.

Cette directive fédérale provoque aussi des maux de tête aux services de garde.

C’est clair qu’on est face à une incohérence, juge Guy Arseneault, qui dirige le CPE Alexis Le Trotteur, à Montréal. Une famille, chez nous, vient d’avoir la COVID. Elle projette un voyage à New York. Normalement, selon la santé publique, elle est immunisée pour 60 jours, mais puisqu’elle rentre de l’étranger, je suis obligé de leur dire que leur enfant ne pourra pas venir à la garderie durant deux semaines.

« Ce serait le fun que les consignes fédérales s’alignent sur celles des provinces. C’est un vrai casse-tête. »

— Une citation de  Guy Arseneault, directeur du CPE Alexis Le Trotteur

 

On a beaucoup de familles immigrantes et elles ne comprennent pas ce double discours des autorités, confirme Éric Guindon, directeur du CPE Genesis, situé dans le quartier de la Petite-Bourgogne de la métropole.

Pour les parents, ça a beaucoup d’impact. Beaucoup sont très fâchés.

Interpellé sur ce sujet, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) reste prudent.

Il s’agit d’une règle fédérale, souligne Marie-Louise Harvey, porte-parole du MSSS. Il y a des discussions régulières avec les responsables des ministères et organismes fédéraux concernés, mais le gouvernement du Québec ne peut atténuer une règle de santé publique ou de quarantaine fédérale.